- INDIEN (OCÉAN)
- INDIEN (OCÉAN)Bordé par les continents africain et asiatique, l’Insulinde et l’Australie, et jouxtant l’océan Austral, avec lequel il n’a de véritable limite qu’hydrologique, l’océan Indien est le plus petit des trois grands golfes de l’océan mondial, et le seul qui n’atteigne pas la zone froide boréale. À la différence de l’Atlantique et du Pacifique, le climat de l’océan Indien est dominé par des caractères tropicaux, et les tendances arides, équatoriales et tempérées ne se manifestent que localement, surtout sur ses marges. Les principaux courants de surface sont sous la dépendance des vents, les différences de densité étant déterminantes seulement dans la circulation profonde.Né, assez récemment, de l’écartèlement du continent de Gondwana, cet océan est pauvre en mers bordières et en plateaux continentaux. Son éloignement par rapport aux grands centres océanographiques fait qu’il est moins bien connu que les autres océans, et que la part des interpolations dans sa description géophysique, géomorphologique et sédimentologique est plus grande. Sillonné cependant depuis la plus haute antiquité par les navigateurs, l’océan Indien joue un rôle économique important, tant comme fournisseur de poissons aux nations asiatiques que comme voie de communication entre l’Orient et l’Atlantique.1. Bathymétrie et nomenclatureLa limite orientale de l’océan Indien entre l’Insulinde et l’Australie va de Selaroe (la plus méridionale des îles Tanimbar) au cap Don (au nord-est de l’île Melville), si l’on considère la mer d’Arafura et le golfe de Carpentarie comme des mers bordières du Pacifique. Sa limite méridionale joint le cap Naturaliste, au sud-ouest de l’Australie, au cap des Aiguilles, en Afrique du Sud; mais, si l’on inclut dans l’océan Indien un secteur de l’océan Austral, ses limites sont alors le méridien du cap des Aiguilles (200 de longitude est de Greenwich), celui de la Tasmanie (1470 de longitude est) et le continent antarctique (fig. 1). Dans ces limites, il occupe près de 75 millions de kilomètres carrés et contient près de 300 millions de kilomètres cubes d’eau, grâce à une profondeur moyenne proche de 4 000 m.En dehors de quelques golfes qui possèdent des noms particuliers (mer d’Oman, mer d’Andaman), il ne possède guère de mers bordières: au nord-ouest, la mer Rouge prolonge l’ouverture océanique, tandis que le golfe Persique est une mer épicontinentale; tous deux n’ont avec l’océan que des communications médiocres. Au contraire, la mer de Timor en est le prolongement hydrologique; c’est en grande partie une mer épicontinentale, accidentée cependant par l’extrémité de la fosse de la Sonde.Le méridien 750 est sépare l’océan Indien en une partie occidentale, fragmentée en bassins océaniques relativement peu profonds, et une partie orientale, moins cloisonnée et plus profonde.À l’ouest, la mer d’Oman borde le bassin arabique, séparé par la dorsale de Carlsberg du bassin des Somalis. Au sud de l’arc des Seychelles, le bassin des Mascareignes et celui de Madagascar sont séparés de celui de Crozet par la dorsale Bouvet-Marion, alors qu’entre cette dernière et l’Afrique du Sud se creuse le bassin du Natal. L’île de Madagascar est prolongée au nord et au sud par des régions relativement peu profondes. Au sud du parallèle 450 sud, la partie de l’océan Austral qui prolonge l’océan Indien est partagée en deux bassins par le «microcontinent» des Kerguelen.L’océan Indien proprement dit est, à l’est du méridien 750 est, partagé en deux bassins par la ride de Nonantest (Ninety-east Ridge), chaîne méridienne étroite qui suit le méridien 900 est: le bassin Central ou bassin de Ceylan, qui borde à l’est l’arc insulaire des Chagos et des Laquedives, atteint localement 6 000 m; le bassin australien, lui-même étranglé en son milieu par les reliefs qui accompagnent la fosse de l’Ob, dépasse cette profondeur dans toute sa partie centrale.2. GéophysiqueDès 1888, E. Suess notait la ressemblance géologique entre les terres qui bordent l’océan Indien et l’Atlantique Sud, et supposait qu’elles avaient été autrefois réunies en un continent unique, le Gondwana. Depuis lors, la théorie de la dérive des continents, due à A. Wegener, a permis de comprendre comment se continent, encore cohérent à la fin du Paléozoïque, a pu se rompre en éléments aujourd’hui dispersés. Grâce aux progrès dans la connaissance des marges continentales, et l’emploi du paléomagnétisme, on arrive à préciser la disposition ancienne de ces éléments (cf. TECTONIQUE DES PLAQUES, GONDWANA, TÉTHYS), même si l’ordre des ruptures et les itinéraires suivis sont encore parfois incertains (fig. 2).Aussi jeune que l’Atlantique, l’océan Indien est beaucoup plus complexe parce que les blocs continentaux en cause sont plus nombreux et ont dérivé de façon irrégulière. Il semble que le premier à s’être séparé de l’ensemble gondwanien ait été l’Australie, et que de ce fait la dorsale australo-antarctique soit la plus ancienne (et aussi la moins saillante). Par contre, l’écartement du microcontinent des Kerguelen par rapport à l’Antarctique semble tout récent, et la dorsale correspondante est encore à peine esquissée. Entre les autres blocs, les dorsales médio-océaniques, même si leur plan d’ensemble déconcerte au premier abord, sont de type classique, comme la dorsale de Carlsberg entre le bloc africain et le bloc indien, ou la dorsale de Bouvet-Marion entre l’Afrique et l’Antarctique. Ces dorsales sont, classiquement, composées de segments actifs décalés les uns par rapport aux autres par des failles de raccord; l’une au moins de celles-ci est le lieu d’une incision bien marquée, transversalement à l’axe général de la dorsale: c’est la «fosse de la Véma», au sud-ouest des îles Chagos.Des fosses océaniques au sens strict existent en plusieurs secteurs: la fosse de la Sonde est la mieux connue, et aussi la plus nettement caractérisée comme une fosse active. La fosse de Makran, au sud de l’Iran, est l’expression en domaine océanique des vastes subsidences qui bordent, au sud, les chaînes alpines. Par contre, on voit plus difficilement comment s’insèrent, dans le schéma général des expansions et des digestions océaniques, les fosses des Mascareignes (fosse des Amirantes et fosse de l’île Maurice) et la fosse des Chagos: topographiquement bien caractérisées par la coexistence d’arcs insulaires et de dépressions longitudinales, ces fosses, actuellement quasi inactives, sont curieusement disposées de part et d’autre de la dorsale de Carlsberg.Enfin, l’océan Indien comporte des reliefs sous-marins, encore insuffisamment décrits, dont l’explication géophysique pose de très grands problèmes: c’est le cas des «fosses» de l’Ob et de la Diamantina, au sud-ouest de l’Australie, et plus encore celui de la ride de Nonantest, dont la disposition incite à considérer la genèse comme liée à la dérive vers le nord du subcontinent indien, mais sans que l’on en comprenne bien le mécanisme.Alors que les vastes bassins du nord-est de l’océan Indien, quasi exempts de reliefs postiches (monts de mer ou guyots), ont une croûte de type océanique, une telle croûte ne se rencontre à l’ouest, avec ses caractères typiques, que dans le centre de chacun des petits bassins; sur leurs flancs, la croûte a pris des caractères mixtes, et les reliefs qui séparent les bassins sont souvent formés d’une croûte d’apparence continentale; aussi emploie-t-on volontiers le terme de «microcontinent», non seulement pour Madagascar, mais aussi pour les Seychelles et les Kerguelen, formées en partie de granites précambriens. Il semble bien que l’émiettement de la partie centrale du Gondwana explique la complexité des fonds océaniques de cette région.3. ClimatSauf près des côtes des continents, les amplitudes annuelles des températures, sur tout l’océan Indien au nord du parallèle 200 sud, ne dépassent nulle part 4 0C; les températures de l’air y sont, été comme hiver, supérieures à 23 0C, et atteignent 27 0C dans les régions les plus chaudes. L’amplitude thermique augmente très lentement vers le sud, puisqu’elle n’est encore que de 6 0C aux Kerguelen. Par contre, elle est de 20 0C sur la plaine de l’Indus, de 40 0C au nord du Tibet.Pendant l’hiver boréal, le nord de l’océan Indien ne connaît que des vents modérés; mais, au sud de l’équateur thermique, alors situé vers le 100 sud, se développent des cyclones tropicaux qui, de novembre à avril, circulent sur les aires océaniques et atteignent parfois les côtes continentales (cf. photo).La zone de basses pressions qui s’installe en été sur le continent asiatique, à la faveur du réchauffement très marqué des aires continentales, est à l’origine du phénomène de mousson, qui règle non seulement les vents et les précipitations, mais aussi la circulation océanique de surface. Alors qu’en hiver règne un régime de vents dans lequel deux alizés convergent vers l’équateur thermique (l’alizé du nord-est étant simplement renforcé par la mousson d’hiver), le vent se renverse, dans l’hémisphère Nord, dès le mois de mai, et l’alizé du sud-est, qui oblique vers le nord-est au passage de l’équateur, continue sa route vers les basses pressions centrées sur le haut Indus.Les précipitations ne sont fortes, sur l’océan Indien, qu’au nord du parallèle 100 sud et à l’est d’une ligne joignant les Comores au golfe du Bengale: là, elles dépassent 1 500 mm, et atteignent même 3 000 mm au large de Sumatra, où elles sont réparties sur toute l’année. Par contre, entre Madagascar et l’Australie s’étend une zone sèche qui, dans sa partie orientale, ne reçoit de précipitations que de décembre à février; elle est de plus en plus humide vers l’ouest, et la saison des pluies de plus en plus longue, surtout à partir des Mascareignes. Plus au sud, entre 400 et 600 sud, on retrouve des précipitations assez fortes; elles n’y dépassent que de peu 1 000 mm, mais leur régularité, alliée aux faibles températures, font que le climat paraît très humide. De plus, malgré les vents d’ouest vigoureux et assez constants qui soufflent à ces latitudes, la brume y est très fréquente. Au nord-ouest de l’océan Indien, de la Somalie au Pakistan, s’étend au contraire une véritable zone aride, dans laquelle les précipitations s’abaissent, localement, jusqu’à 100 mm (île de Socotora); cette région est cependant assez brumeuse pendant la mousson d’été; ce n’est que sur le golfe du Bengale que cette mousson apporte, de mai à septembre, de fortes précipitations. Au sud de l’Inde, de part et d’autre de l’équateur, c’est plus tôt, en mars et avril, que l’on observe le maximum de pluies.Sur l’océan Indien, la zone de climat équatorial est donc limitée aux abords de Sumatra. Plus à l’ouest, même les parages de l’équateur sont soumis à un climat constamment chaud, qui n’est humide que saisonnièrement et rappelle donc plutôt le type tropical; il en va de même dans la région à climat de mousson, et aussi du secteur océanique compris entre Madagascar et les Mascareignes. Des climats de type désertique règnent au large de l’Arabie d’une part, de l’Australie occidentale d’autre part. Un climat tempéré hyperocéanique existe de part et d’autre du parallèle 500 sud, et se refroidit progressivement vers le sud pour passer, près de l’Antarctique, à un climat franchement froid, voire subpolaire.4. Hydrologie Températures et salinités de surfacePendant l’hiver boréal (fig. 3 a), les eaux de surface les plus chaudes (plus de 28 0C) se rencontrent au large de Java et de Sumatra, entre l’équateur et le parallèle 100 sud. À l’ouest, le maximum de température est moins marqué (27 0C) et décalé vers le sud jusqu’au canal de Mozambique. La mer Rouge et le golfe Persique ont des eaux relativement fraîches (15 0C seulement au nord-ouest du golfe Persique). Au sud, un fort gradient de température existe entre les parallèles 400 et 500 sud, où l’on passe aux eaux fraîches subantarctiques.Le réchauffement printanier est plus précoce que dans les autres océans, puisque aucune eau boréale ne vient le ralentir; mais il est tôt interrompu par l’établissement de la mousson d’été. C’est donc en mai que le maximum de température est atteint sur la plus grande partie du nord de l’océan Indien; seuls, le golfe Persique, la mer Rouge et l’ouest du golfe du Bengale continueront à se réchauffer jusqu’en août. Ailleurs, la température se stabilise à partir de juin, puisbaisse, soit le long des côtes de la Somalie et de l’Arabie, à cause des remontées d’eau froide engendrées par la mousson du sud-ouest, soit en mer Arabique (mer d’Oman) et dans l’est du golfe du Bengale, parce que l’ensoleillement est fortement réduit. Aussi la zone du maximum de température ne dépasse-t-elle guère l’équateur vers le nord (fig. 3 b).La répartition zonale des salinités est très contrastée à l’est de l’océan: en toue saison, un maximum (supérieur à 36 p. 1 000) est installé vers 300 sud à l’ouest de l’Australie, alors qu’au large de Java et de Sumatra les eaux superficielles sont fortement dessalées (à moins de 34 p. 1 000) par les fortes pluies équatoriales. Les moindres contrastes climatiques de l’ouest de l’océan expliquent que les contrastes de salinité y soient beaucoup plus faibles. Au nord de l’équateur, la salinité varie saisonnièrement: l’opposition, déjà sensible en hiver boréal, entre les régions arides et les pays de mousson devient considérable en été, puisque mer Rouge et golfe Persique dépassent 40 p. 1 000, alors que le nord du golfe du Bengale descend jusqu’à 30 p. 1 000.En toute saison, on observe donc une densité décroissante de l’eau depuis les hautes latitudes australes (où la densité dépasse 1,027) jusqu’à l’équateur (moins de 1,023 partout, et même 1,021 5 au large de Sumatra). En été boréal, on observe en outre une densité décroissante à partir de l’équateur vers le nord du golfe du Bengale (1,019).Courants de surfaceCe sont les vents, et non les différences de densité, qui sont responsables des principaux courants de surface.En hiver boréal (fig. 4 a), l’alizé du sud-est engendre, entre 100 et 200 de latitude sud, un courant, dit sud-équatorial , portant à l’ouest. L’alizé ou mousson du nord-est engendre dans l’hémisphère Nord un courant analogue, mais, après s’être rebroussé vers le sud-est, au passage de l’équateur, il fait naître entre celui-ci et 100 sud un courant dit contre-équatorial , portant à l’est. Le long du parallèle 100, le courant sud-équatorial et le courant nord-équatorial sont animés chacun d’oscillations dans leur trajet, qui font que tantôt ils se rapprochent et engendrent ainsi une convergence hydrologique, et tantôt ils s’éloignent, ce qui permet une divergence accompagnée de remontées d’eaux profondes riches en sels nutritifs. Le courant de la mousson du nord-est part des côtes birmanes et de la côte occidentale du Dekkan, y provoquant des remontées d’eaux profondes, donc fraîches. Venus de Birmanie, ses rameaux septentrionaux heurtent Sri Lanka et sont déviés vers le nord où ils se transforment en un tourbillon dextrogyre dans le golfe du Bengale. Les rameaux méridionaux, grossis du courant qui se forme en mer Arabique, frappent obliquement la côte des Somalies et y forment un courant littoral vers le sud-ouest, qui ne dépasse guère l’équateur et y participe à la formation du courant contre-équatorial. Celui-ci, rapide dans la région des Seychelles (1,5 nœud, soit 0,75 m/s), s’affaiblit vers l’est et, en fin de parcours, plonge sous les eaux plus chaudes et moins salées qui existent devant Java et Sumatra. Quant au courant sud-équatorial, il se partage en abordant le nord de Madagascar: la branche septentrionale se divise à nouveau, contre la côte africaine, en un rameau qui va rejoindre au nord le courant contre-équatorial, et un rameau méridional qui prend le nom de courant de Mozambique et concourt ensuite à la formation du tourbillon sénestrogyre appelé courant des Aiguilles . L’autre branche du courant sud-équatorial longe vers le sud la côte orientale de Madagascar, puis, pour l’essentiel, oblique sur sa gauche et, un peu au nord du parallèle 400 sud, prend la direction de l’est, parallèlement au courant circumpolaire des eaux subantarctiques, dont elle est séparée par la convergence subtropicale . Ces eaux font retour au courant sud-équatorial par l’intermédiaire du courant ouest-australien , qui longe vers le nord la côte australienne. Il existe ainsi de part et d’autre du tropique du Capricorne un tourbillon sénestrogyre dont les eaux centrales séjournent durablement sous le tropique, ce qui explique leur forte salinité.En été boréal (fig. 4 b), la situation s’altère un peu, au sud-est de l’océan Indien, par l’entrée en mer de Timor d’eaux équatoriales venues du Pacifique, qui repoussent loin des côtes australiennes la branche orientale du tourbillon subtropical, renforçant par contre le courant sud-équatorial qui peut alors atteindre une vitesse de un nœud (0,5 m/s). Dans la moitié nord de l’océan, presque tous les courants s’inversent: la mousson du sud-ouest pousse vers l’est la plupart des eaux superficielles au nord de l’équateur, ce qui entraîne le long des côtes des Somalies et d’Arabie des remontées d’eaux froides et la formation d’un courant littoral portant au nord-est le courant des Somalies , dont les vitesses de pointe dépassent 4 nœuds (2 m/s). Une partie du courant de la mousson de sud-ouest butte contre le Dekkan où l’on observe des plongements d’eau; le reste passe au sud de Sri Lanka, avec des vitesses assez fortes (2 nœuds, soit 1 m/s). La mousson obliquant vers le nord dans le golfe du Bengale dévie de même le courant, qui longe les côtes birmanes et engendre dans le golfe un tourbillon sénestrogyre (d’ailleurs fort variable d’une année sur l’autre). La branche méridionale du courant de la mousson de sud-ouest, qui longe l’équateur, se prolonge jusqu’à Sumatra, où elle plonge sous les eaux chaudes superficielles.Circulation profondeLa circulation profonde, complexe et relativement instable, est encore assez mal connue. Un sous-courant équatorial, portant à l’est, a été observé assez souvent sous le courant contre-équatorial et dans son prolongement, mais il semble n’être ni constant ni puissant. Au sud de l’océan, les masses d’eau profondes sont celles habituelles autour de l’océan Austral. Plus originales sont les eaux très salées qui se répandent immédiatement au-dessous des eaux superficielles; elles ne proviennent pas exclusivement de la mer Rouge, mais aussi du golfe Persique et du nord de la mer Arabique; elles circulent vers l’est et le sud-est, particulièrement abondantes au début de l’hiver boréal où elles atteignent leur densité maximale, mais, en se refroidissant chemin faisant, elles s’enfoncent et finissent par se diluer dans les eaux subantarctiques à partir du parallèle 100 sud.MaréesDans la plus grande partie de l’océan Indien, la marée semi-diurne prédomine: elle pénètre dans l’océan par le sud, à peu près simultanément des deux côtés. Les deux ondes, dont l’une contourne l’Australie et l’autre l’Afrique, ont des marnages de l’ordre du mètre. Elles se rejoignent vers les Kerguelen, pivotent toutes deux autour de deux points amphidromiques placés à peu près symétriquement au voisinage du parallèle 300 sud, et se propagent ensemble vers le nord le long du méridien 800 est. Dans l’axe du bassin de Sri Lanka, l’onde est peu déformée et aborde de front l’entrée du golfe du Bengale, dans lequel elle se comporte comme dans un chenal en cul-de-sac: elle franchit lentement l’entrée, où les marnages sont faibles (de l’ordre du demi-mètre), puis, s’épanouissant et se renforçant, elle atteint presque à la même heure tous les rivages du golfe, avec des marnages qui augmentent vers le nord et dépassent 4 mètres dans le delta du Gange.Sur les flancs, au contraire, l’onde venue du sud, freinée par les reliefs méridiens situés le long des méridiens 700 et 900 est, se réfracte latéralement et continue à pivoter autour des deux points amphidromiques méridionaux, atteignant presque simultanément les côtes australiennes et africaines. À cela se borne la symétrie, car l’onde orientale se disperse dans les chenaux australasiens et y engendre des marnages très inégaux, parfois modestes (de l’ordre du mètre) sur les promontoires et dans les chenaux qu’elle aborde obliquement, parfois importants, au contraire, dans les culs-de-sac qui terminent les chenaux qu’elle aborde de front. Par contre, l’onde occidentale se heurte au «mur» africain, qu’elle longe vers le sud: du fait du rétrécissement dû à la présence de Madagascar, les marnages sont plus forts dans le canal de Mozambique (jusqu’à 5 m) que sur la côte somalienne (moins de 2 m). De plus, cette onde occidentale aborde de biais le bassin arabico-somalien, dont le plan ramassé et les reliefs centraux (dorsale de Carlsberg) favorisent la formation d’un tourbillon accessoire, autour d’un point amphidromique situé au large de Socotora; fonctionnant comme l’accessoire d’un tourbillon sénestrogyre, celui-ci est dextrogyre. Les marnages qu’il engendre sont compris généralement entre 1 et 2 m, plus forts autour de l’embouchure de l’Indus, bien moindres, au contraire, autour des Laquedives et des Maldives. Quant à la mer Rouge et au golfe Persique, le fait que l’onde les atteigne obliquement, joint à l’étroitesse de leurs entrées, entraîne des marnages faibles (mer Rouge) ou modérés (golfe Persique).L’onde diurne joue cependant dans l’océan Indien un rôle localement important. Dans l’océan Austral, cette onde circule d’est en ouest en longeant l’Antarctide; freinée sur son flanc nord par la dorsale Bouvet-Marion, elle se divise en plusieurs branches dont l’une revient vers l’océan Indien, qu’elle traverse obliquement en direction de l’Indonésie, en conservant le marnage d’une vingtaine de centimètres qui la caractérisait dans l’océan Austral. Elle s’épanouit progressivement, et son flanc droit oblique vers le sud pour se fondre à nouveau dans l’onde australe et former avec elle une sorte de tourbillon étiré dont le point amphidromique est proche de l’île Marion. L’élan axial s’exacerbe dans l’archipel australasien, où son marnage dépasse souvent le mètre: il arrive ainsi que l’onde diurne, venant du sud-ouest, aborde de front certains chenaux que l’onde semi-diurne, venue ici du nord-ouest, aborde obliquement. Dans ce cas, malgré une amplitude initiale beaucoup plus faible, le jeu des renforcements de marnage dans les culs-de-sac favorise l’onde diurne, qui peut localement dominer nettement et engendrer une marée diurne presque pure.Quant au flanc gauche de l’onde venue du sud-ouest, il pivote autour d’un point amphidromique situé au voisinage des Chagos, et détermine un tourbillon unique pour tout le nord de l’océan Indien; à l’échelle de cette onde diurne, même le bassin arabico-somalien se comporte comme un entonnoir; mais chacun des trois entonnoirs (golfe du Bengale, bassin arabico-somalien, canal de Mozambique) est abordé obliquement par l’onde, qui n’y renforce son marnage que jusqu’à des valeurs encore modestes, de l’ordre du demi-mètre, sauf en mer Arabique où il atteint le mètre. Aussi demeure-t-il, presque partout, inférieur aux marnages engendrés par l’onde semi-diurne, qui garde donc la prépondérance dans le régime des marées. Ce n’est que dans le golfe d’Aden, en mer Rouge et dans le golfe Persique que l’onde diurne, grâce aux phénomènes de résonance propres aux chenaux longs et étroits, prend localement le pas sur l’onde semi-diurne: à Bahrein, par exemple, où une ligne nodale de l’onde semi-diurne coïncide avec un ventre de l’onde diurne.HoulesChacune des trois grandes régions aérologiques de l’océan Indien a son propre régime de houles: dans la partie méridionale, soumise aux «grands frais» d’ouest, les houles de hauteur supérieure à 2 m, généralement de secteur ouest, surviennent la moitié du temps, et on a enregistré des vagues de 15 m d’amplitude et de 250 m de longueur d’onde.Dans la région de l’alizé du sud-est, la houle est souvent de faible amplitude: moins d’un mètre dans la moitié des cas; mais elle est régulière quant à sa direction (venant du sud-est), quant à sa longueur d’onde, une centaine de mètres, et quant à sa période, voisine de 8 secondes. Cette régularité permet une relative stabilité des accumulations littorales battues par cette houle. Toutefois, les tempêtes soulevées par les cyclones tropicaux introduisent des perturbations sensibles, parce que les houles qu’elles engendrent, à périodes plus longues, se propagent au loin et peuvent occasionner des dégradations temporaires des plages.Dans la région septentrionale, soumise à l’alternance des moussons, le régime des houles est très contrasté: lors de la mousson d’hiver, les vents de terre ne soulèvent que des houles courtes et de faible amplitude. Mais, lorsque s’établit la mousson d’été, les vagues sont supérieures à 2 m dans la moitié des cas. La mer est particulièrement agitée au début de cette période, quand les courants ne sont pas encore renversés alors que les vagues suivent déjà la nouvelle direction des vents. Ce renversement saisonnier des houles, accompagné d’une modification dans leurs caractéristiques, entraîne, pour ce qui concerne les plages, une opposition nette entre deux équilibres saisonniers différents.5. Géomorphologie et sédimentsLes grands reliefs linéaires issus de l’histoire géophysique de l’océan Indien morcellent celui-ci (fig. 1) et conditionnent la répartition des sédiments (fig. 5). Trois éléments de dorsale médio-océanique, se rejoignant près de l’île Rodriguez, présentent les traits caractéristiques des dorsales; sans doute le fossé axial n’a pas été mis en évidence sur toute la longueur de ces reliefs, pas plus que les réseaux d’anomalies magnétiques; mais c’est que les levés récents et systématiques sont rares dans cette région, et rien ne permet de penser que ces dorsales puissent différer sensiblement de leurs homologues mieux connues de l’Atlantique ou du Pacifique oriental. Elles sont fragmentées par des failles de raccord, que jalonnent des accidents de relief parfois vigoureux. Là encore, on est loin de les avoir toutes cartographiées. Les principales ont donné naissance à des îles volcaniques telles que Rodriguez, Saint-Paul ou Marion. L’une des particularités des dorsales de l’océan Indien est leur relative étroitesse: leurs flancs plongent assez rapidement sous les plaintes abyssales voisines.Les régions de profondeur moyenne (entre 1 000 et 4 000 m), comme les dorsales, la ride de Nonantest et les parties déprimées des arcs insulaires, portent des sédiments très riches en foraminifères calcaires, essentiellement des globigérines.Les plaines abyssales sont nombreuses, mais souvent exiguës. Presque toutes comportent des zones centrales où la profondeur dépasse 5 000 m, ce qui implique que les organismes calcaires sont dissous avant d’atteindre le fond, de sorte que seuls les argiles et les organismes siliceux forment les sédiments abyssaux. Entre l’équateur et 200 de latitude sud, c’est-à-dire dans la zone où les radiolaires sont assez abondants dans le plancton, les boues rouges en contiennent une proportion appréciable (de l’ordre de 10 p. 100). Hors de cette zone, les boues rouges sont presque purement argileuses. Au sud du parallèle 500 sud, on retrouve des organismes siliceux, des diatomées cette fois, qui, abondantes dans les eaux froides de surface, constituent plus de 30 p. 100 de la fraction fine du sédiment (à quelque profondeur que ce soit). Mais il s’y ajoute des éléments grossiers, terrigènes, d’origine glacio-marine.Les températures élevées et régulières des eaux superficielles dans la majeure partie de l’océan favorisent le développement des coraux: les côtes, sauf près du débouché des grands fleuves turbides, et surtout les îles sont ourlées de récifs coraliens, et les plateaux des Maldives, des Laquedives, des Seychelles, des Comores, etc., comportent un grand nombre d’atolls. Les sédiments terrigènes n’occupent d’importantes surfaces que devant les côtes asiatiques. Au débouché de l’Indus et à celui du Gange, les masses considérables d’alluvions transportées par ces fleuves forment, en mer Arabique et dans le golfe du Bengale, des cônes alluviaux qui masquent entièrement l’escarpement continental, et s’étendent en pente douce jusqu’aux plaines abyssales, à 1 500 ou 2 000 km des embouchures. Les éléments terrigènes, qui dominent absolument jusque vers 2 000 m de profondeur, sont ensuite mêlés de boues à globigérines. Sur ces deux cônes, les eaux fluviales les plus turbides peuvent, saisonnièrement, cheminer au ras du fond, et y ont façonné des canyons sous-marins dont le mieux connu est celui du Gange (Swatch of no ground; cf. CANYONS SOUS-MARINS, DELTAS).6. ProductivitéLa thermocline présente sous la majeure partie de l’océan Indien empêche les échanges de sels minéraux entre les eaux profondes et les eaux superficielles; aussi ces dernières sont-elles généralement plus pauvres en matières nutritives que celles des autres océans, et supportent-elles une moindre biomasse.C’est seulement dans les régions de remontées d’eau froide (upwelling ) que la production de phytoplancton est importante: ce sont, d’une part, les régions littorales d’où partent les courants dus au vent, et, d’autre part, la zone de contact entre le courant sud-équatorial et le courant contre-équatorial, lorsque les oscillations de ces deux courants aboutissent à la formation entre eux d’une divergence. Mais dans les unes les remontées sont saisonnières, dans l’autre elles sont aléatoires.De plus, la vitesse des courants qui partent de ces régions est assez importante, de sorte que les aires de densité maximale de copépodes herbivores est décalée de plusieurs centaines de kilomètres vers l’aval du courant, par rapport aux zones d’upwelling, puisque à la fois les sels minéraux et les organismes qui s’en nourrissent sont entraînés par le courant. Les aires de densité maximale des copépodes prédateurs, qui se nourrissent des précédents, sont décalées de quelques centaines de kilomètres supplémentaires, et, finalement, les aires de richesse maximale en poissons consommables par l’homme se trouvent loin des aires de remontée de sels minéraux, et, souvent, plus proches des zones où l’eau plonge que de celles où elle remonte.Dans le sud de l’océan, les zones de pêche sont diffuses, avec un maximum de richesse autour du 20e parallèle; elles ne sont guère accessibles qu’aux grosses unités de pêche industrielle (essentiellement japonaises, coréennes du Sud et russes). Nulle part la concentration en poisson n’y atteint les valeurs occasionnellement observées dans le nord de l’océan, où les aires poissonneuses sont beaucoup plus restreintes, mais plus riches, et surtout dominées par le rythme des saisons; beaucoup de ces aires sont proches des côtes ou des îles, et font l’objet d’une exploitation plus artisanale.7. Histoire de l’explorationBordé au nord par des terres d’anciennes civilisations, l’océan Indien a été très tôt parcouru par des navigateurs égyptiens, phéniciens, romains, chinois et malais. Mais ce sont les navigateurs arabes qui ont donné les premières descriptions sérieuses du régime des vents et des courants dans le nord de l’océan, et les premiers renseignements plus ou moins déformés sur les terres méridionales. Bien que des commerçants européens isolés aient, occasionnellement, navigué dès le Moyen Âge dans le nord de l’océan à bord de navires arabes ou chinois, ce n’est qu’en 1497 que le premier navire européen, celui de Vasco de Gama, pénétra dans l’océan Indien.Les Portugais ne gardèrent que pendant quelques dizaines d’années le monopole de la navigation européenne en océan Indien: ils se rendaient en Inde en été, et en revenaient en hiver, en utilisant la mousson et les courants qu’elle engendre pour circuler le long des côtes d’Afrique. Les Hollandais, qui commencèrent à la fin du XVIe siècle à fréquenter l’océan Indien, suivirent d’abord la même route, mais se spécialisèrent bientôt dans le trafic avec l’Indonésie, en profitant des vents et des courants associés au tourbillon subtropical, le long du parallèle 400 sud, puis de la côte australienne, à l’aller, et le long du parallèle 100 sud au retour.En même temps que ces voyages essentiellement commerciaux, et vite routiniers, les explorations des compagnons de Magellan (1521) et de Francis Drake (1580) préfigurèrent les expéditions de Tasman (1642) et de Guillaume Dampierre (1679) qui procurèrent les premières cartes du sud-est de l’océan. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle et la première moitié du XVIIIe, l’océan Indien fut l’un des théâtres de la rivalité franco-britannique, ce qui aboutit à la découverte et à l’appropriation de la plupart des îles. Lors de l’établissement de la suprématie britannique en 1763, tout l’océan Indien proprement dit était cartographié, et les explorations ultérieures de Cook et de Dumont d’Urville portèrent sur les marges australes.L’étude océanographique n’a commencé qu’en 1873, par la première expédition du Challenger , qui a été suivie par un certain nombre d’expéditions allemandes dont celles de la Valdivia et du Gauss , et, plus récemment, par des expéditions néerlandaises (Snellius ) autour de l’Indonésie, danoises (Dana ), suédoises (Albatross ), américaines (Vema ) et russes (Ob ). Mais, jusqu’ici, toutes les études ont été discontinues, et l’on ne possède pratiquement nulle part de séries d’observations hydrologiques suivies, ni de levés systématiques portant sur des régions tant soit peu étendues.
Encyclopédie Universelle. 2012.